L’intelligence artificielle a fait son chemin dans de nombreuses entreprises, y compris le secteur financier. Traditionnellement, la numérisation a fortement imprégné la comptabilité. L’IA remplacera-t-elle bientôt le comptable ?
Parmi les emplois menacés par la forte expansion de l’IA, la comptabilité est souvent nommée comme l’un des premiers. Mais a-t-on raison ? Nous en avons discuté avec Alexander Peccoux, DOP du cabinet belge de comptabilité et d’audit Lieutenant Guillaume et responsable de tous les processus informatiques de l’entreprise, qui sert quelque 300 clients avec 25 employés.
Chaque cabinet comptable est confronté à des défis similaires. Les outils numériques doivent surtout garantir que les informations financières sont immédiatement disponibles, de sorte que les clients disposent de conseils récents. L’IA joue-t-elle déjà un rôle à cet égard ?
Renforcement
Selon Peccoux, l’IA est actuellement surtout utilisée dans le processus de comptabilité pour aider l’équipe à saisir les données. « Une fois qu’un document, une facture ou une autre transaction financière est entré dans le logiciel, il faut le traiter. Le montant, la date, le nom du client ou du fournisseur doivent être enregistrés dans le système comptable. »
« Au lieu que ce soit notre personnel qui s’en charge, c’est l’IA qui nous aide à le faire », explique-t-il. « Le système apprend et comprend, prend en charge et même optimise ces tâches. Voilà le rôle que joue actuellement l’IA dans la comptabilité. » Cependant, Peccoux a en tête certaines applications qui aideront bien davantage les comptables à l’avenir : « Notamment en termes de compréhension et de détection des erreurs et des fautes dans un système comptable. »
La valeur ajoutée d’un bon comptable pour une entreprise tient aujourd’hui principalement à sa capacité à repérer, identifier et comprendre les incohérences dans les comptes de l’entreprise, explique Peccoux. « L’IA aidera les comptables à fournir des informations financières encore plus précises à leurs clients, afin de leur fournir des conseils financiers encore meilleurs. Car l’IA sera capable de prédire la situation financière. »
Outil
Pour Peccoux, l’IA est avant tout un outil qui aidera les comptables à produire des informations financières plus rapidement et de manière plus fiable pour leurs clients. « Le plus inquiétant, peut-être, c’est que nous ne savons pas de quoi l’IA sera capable à l’avenir. On a tous un peu peur de l’inconnu, en quelque sorte. Et avec l’IA, il y a encore beaucoup d’inconnues. »
Peccoux n’a pas peur que l’IA domine un jour le monde entier : « Je doute qu’un scénario du type Terminator se produise », dit-il en riant. Mais, il est quand même inquiet de l’impact de l’IA sur les cabinets de comptabilité, mais pas comme on l’imagine : « Maintenant, nous voyons cette évolution comme une véritable chance, mais nous savons bien que d’autres cabinets peuvent aussi intégrer l’IA dans leurs processus et commencer à attirer de nouveaux clients. Ces entreprises auront un avantage sur celles qui refusent de mettre en œuvre l’IA. Ce qui compte, c’est de savoir comment intégrer l’IA dans vos systèmes. »
Il est tout à fait franc : « Ma plus grande crainte est qu’il y ait des entreprises qui mettent en œuvre l’IA mieux que nous, ce qui les amènera à offrir un meilleur service. C’est pourquoi je pense que nous devrions nous concentrer sur la compréhension de l’IA, afin de mieux intégrer la technologie dans nos processus et de fournir un meilleur service. »
ChatGPT
Entre-temps, les collègues de Peccoux ont commencé à utiliser ChatGPT pour répondre aux questions des clients ou pour générer des idées pour les médias sociaux. Peccoux est catégorique concernant le chatbot : « On ne l’utilse que marginalement. ChatGPT n’a rien à voir avec la comptabilité que nous pratiquons. »
À son avis, l’IA n’est pas encore prête pour la communication avec les clients. « Nos clients veulent parler à un individu. Ils veulent un comptable expérimenté, qui connaisse personnellement leurs comptes. » Pour l’instant, dit-il, l’IA ne l’aide pas encore à établir un lien plus profond avec ses clients.
Nos clients veulent parler à un individu.
Alexander Peccoux, DOP Lieutenant Guillaume
Le principal rôle de l’IA pour le comptable est de connecter et d’intégrer des logiciels et de faciliter le processus informatique pour les clients, mais même ce rôle est difficile à remplir. La plupart des employés d’un cabinet comptable n’ont généralement pas de formation en informatique, mais viennent du monde des affaires et, bien sûr, de la comptabilité. « L’intégration de cette technologie dans nos processus est donc un véritable défi », admet Peccoux.
Aucune crainte
À l’avenir, l’IA ne risque-t-elle pas de remplacer complètement un grand nombre d’emplois, comme la comptabilité ? Peccoux ne le pense pas. « Si l’IA peut prendre en charge nos emplois, cela signifie que nos emplois ne sont pas si importants. Et je suis convaincu qu’ils le sont. » dit il résolument. « La comptabilité est beaucoup plus importante que les gens ne l’imaginent. »
« En étendant le champ d’application des logiciels, notre but n’a jamais été de remplacer les humains par des machines », précise Peccoux. « Pour nous, l’IA n’est rien d’autre qu’un outil qui complète les compétences de l’homme. » Il va même plus loin : « Sans les outils que nous utilisons aujourd’hui, nous resterions la même équipe, avec le même nombre de clients. Mais notre travail serait plutôt basique. Nous voulons avant tout que nos collaborateurs puissent utiliser ces outils pour donner les meilleurs conseils au meilleur moment. »
Si l’IA peut supplanter nos emplois, cela veut dire que nos emplois ne sont pas vraiment importants. Et je suis convaincu qu’ils le sont.
Alexander Peccoux, DOP Lieutenant Guillaume
L’avenir
Bien sûr, il existe des domaines dans lesquels l’IA pourrait jouer un rôle très important à l’avenir. Par exemple, l’audit. « L’audit est défini comme le fait de s’assurer que les données entrées dans un système comptable sont cohérentes et légales. Il est fort probable que l’IA joue un rôle dans ce domaine à l’avenir. En formant le système et en lui apprenant à suivre le rythme, l’IA peut rapidement comprendre le fonctionnement d’un système comptable. »
Plus largement, Peccoux prévoit deux aspects pour l’avenir professionnel de l’IA : « Les entreprises et les secteurs devront rivaliser avec cette technologie, mais il s’agira également d’une question de collaboration. Il faut pouvoir montrer que l’on a une valeur ajoutée en tant qu’entreprise qui ne peut pas être complètement remplacée par l’IA, mais que l’on peut utiliser la technologie s’il y a un avantage. »
Malgré les prévisions alarmistes, Peccoux garde confiance dans les relations humaines entre les clients et les comptables, et non dans l’arrivée de l’IA. « Les clients sont toujours libres de choisir un comptable moins cher si le prix est le plus important pour eux. Ce comptable pourrait utiliser l’IA pour réduire un peu son prix et remplacer les employés par l’IA. Les clients qui ont besoin de bons conseils peuvent se tourner vers des comptables qui utilisent l’IA pour donner un meilleur service. »